vendredi 4 juin 2010

Loufaq n taddart

Un témoin édifiant de la démocratie participative.

« A tajmaât n lkhir mselkhir fellawen. A yyaw ar legmaâ at rebhem ». C’est le retentissement d’un appel solennel qui couvre, agréablement, le ciel de Ait-Bouyahia à chaque fin du mois. Des mots qui tiennent lieu d’une invitation collective à une assemblée générale des villageois.

C’est vrai que la djamaa bwadda, vétuste lieu de ce rassemblement n’est pas, aujourd’hui, - apparemment et sensiblement - aussi animé que autrefois (du temps de cheikh Ahmed at irhem rabbi pour les nostalgiques). En effet, les habitants, sont moins enthousiasmés par « la chose publique ». Ceux qui assistent à l’AG mensuelle sont, davantage, moins nombreux.

Néanmoins, l’institution villageoise, c'est-à-dire : Loufaq n taddart, continue, bel et bien à exister. Elle demeure, assurément, le self-government, qui administre et gère, encore, les affaires n taddart. Qui dira le contraire ?

L’assemblée du village kabyle, dans son ensemble, autrement dit tajmaât n’a rien à envier à l’Agora grecque. Si prétendument, pour quelques uns, l’organisation est usée et ridée par le temps. Pour nous, les faits de la réalité sont têtus, puisque l’ancienne organisation persévère encore et continue de s’affirmer, indubitablement, comme une institution administrative et politique humaine, simple et solidaire. Imparfaite, bien sur, mais elle s’érige, convenablement, comme un modèle d’organisation sociale, administrative, économique et politique digne et à la hauteur des formes démocratiques et participatives qui se présentent actuellement dans les sociétés dites modernes.

« L’idéal du gouvernement libre et à bon marché, dont nos philosophes cherchent encore la formule à travers mille utopies est une réalité depuis des siècles dans les montagnes Kabyles ».Ces propos (extrait du livre : coutumes Kabyles de Hannoteau) amplifient la voix « étranglée » de ce « système » millénaire pour lequel, beaucoup parmi nous, manifestent, injustement une insolence méprisante.
En filigrane, ces mots incitent à aller redécouvrir et repenser - avec subtilité surtout- cette tradition séculaire afin de la remettre au diapason de notre temps. Ahaw san yibwas ?

Paris le 03 Juin 2010
Abdel Hakim KECHAD

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Démocratie ? Appeler démocratie un système de cooptation où les citoyens influents désignent les représentants et où la moitié du peuple (les femmes) est exclue relève du mensonge ou du désir de galvauder le sens du mot démocratie. Il faut admettre que la démocratie, selon le sens commun et universel du mot, n’a jamais mis les pieds en Kabylie. La démocratie s’exprime par un suffrage universel secret. Or dans les assemblées de villages, il est demandé aux membres présents d’avaliser, par des applaudissements ou la lecture de la sourate « el fatiha », le choix préalablement fait par un cabinet noir. De plus le mode de désignation, deux par adrum dans le village d’Ait Bouyahia, exclut que le village soit représenté par les plus compétents de ses enfants puisqu’il faut absolument qu’un quartier soit représenté par des personnes issues des familles composant ce quartier quand bien même il ne peut offrir, à un moment donné, des représentants capables et dignes de bien le représenter. La Kabylie pratique un système de gestion sociopolitique, hypocritement pensé pour préserver la paix et la concorde entre les tribus d’un même village, que l’on peut appeler tribalisme mais pas démocratie.