vendredi 18 septembre 2015

AÏT-BOUYAHIA : COULEURS, SENTEURS ET DECORS !

Mouloud Halit

AÏT-BOUYAHIA : COULEURS, SENTEURS ET DECORS !

MESSAGE D'ACCOMPAGNEMENT
Comme ce texte rédigé sur Timacratt est long, dès lors eut-on l’idée de le scinder en deux épisodes équitablement partagés. Ceci dit, en voici pour vous - aimables lecteurs et lectrices, la moitié de l’épisode complet sur Timacratt.
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DEUXIÈME THEME : TIMACRATT
Premier épisode
Comme le titre spécifique nous l’indique, nous parlerons de Timacratt (lire : Thimachratt) , laquelle est ô combien salutaire ! Cela va de soit tant celle-ci est louable par sa distribution ou ses offrandes en viandes, et ce, pour tous les habitants du village. Sans exception aucune, qui mieux est, pour les vivants présents que pour les vivants absents. Et pour ces derniers, l’allusion faite aux émigrés, dits : Ighriven.
Le but tel que nos ancêtres l’avaient sans doute prévu et cette Timacratt comme ils l’avaient initiée relèvent d’une action sage, tant elle est mûrement réfléchie. Entre autres, cette coutume en est le manifeste heureux qu’est le regroupement massif de tous les habitants pouvant être présents. Qui mieux est, selon cette triptyque honorifique qu’est : 01) Pour le partage de la joie et de l’ambiance 02) Pour l’évaluation de par le recensement implicite de l’effectif 03) Pour le pardon en général et le resserrement des rangs en particulier. Et pour mieux dire : Timacratt qui relève de cette morale bienfaitrice visant à conforter et à consolider le salut en même temps que le statut de notre village. Il va sans dire que jusqu’à la période la plus reculée où notre village était apte ou capable de perdurer cette heureuse tradition, il n’avait cessé de l’honorer avec mesure et abnégation.
Et Timacratt qui se déroulait ainsi que nous avons le plaisir de vous la peindre, voire au mieux que l’on peut !
Timacratt – ou Lawziâ en d’autres coins de notre Kabylie, est une action de grande envergure que notre comité de village finance, gère et assiste tout à la fois. Les fonds de financement en sont puisés de la caisse du village : celle-ci alimentée diversement par toutes sortes d’offres, de dons, de contributions, et de cotisations. Dans le temps, c’est une fois l’an - sinon une année sur deux, que notre village prévoit et réalise ce rituel Timacratt. Dont un bon nombre de bœufs que le Comité du village achète du marché au bétail de Tizi-Ouzou. Et après l’achat, un groupe de jeunes est désigné pour ramener les bœufs à la marche, guidés à l’aiguillon. Et ce, le parcours durant séparant la ville du village, voire distant d’une vingtaine de kilomètres environ. Soit dit, de là même commence le plaisir et la joie que procure Timacratt. Sans oublier l’autre joie fougueuse des enfants lesquels - quittant le village, s’en vont très très loin à la rencontre de ces bœufs, étant d’ores et déjà leurs meilleurs amis. Pendant leur attente impatiente, leur regard qui est tout braqué au loin, du coté où les bœufs apparaîtraient. Et qui le premier les aperçoit saute de joie avant d’annoncer la bonne nouvelle. Après quoi, tout fous de joie, les enfants se lancent en flèche, avec cette rivalité de qui les rejoindraient le premier. Le temps d’un clin d’œil, les bœufs se retrouvent avec la plus belle escorte. Pendant qu’ils avançaient avec leurs corps pesants et déambulant, les enfants se grisaient d’une joie intense pour ne pas dire immense…
Au village en arrivant, les bœufs sont logés à la Djema du village ou un espace leur est aménagé en bercail. Une équipe de jeune est chargé de s’occuper d’eux, prenant bien soin d’eux les temps qu’il faut. Pour le plaisir et pour le loisir, les enfants en liesse et omniprésents en sont donc autorisés à ramener du foin et du feuillage. D’où ce séjour durant qui fut pour eux une véritable fiesta de joie !...
Au jour « J » de Timacratt, les bœufs quittent tôt dans la matinée le bercail. Toujours guidés à l’aiguillon, on les dirige - via le dédale de quelques ruelles en zigzag du village, vers le plat espace où ils seront sacrifiés. Ce parcours durant, un long cortège fait d’hommes et de garçons les accompagne, parmi eux les membres ou les dignitaires du comité du village. Aussi tout un arsenal en outils et instruments qui en est transporté à toutes fins utiles. Peu après cette arrivée, l’on se lançait aux préparatifs préliminaires de Timacratt en attendant le boucher alloué qui devrait arriver de loin. En l’occurrence Ali le boucher (Alabouchri) sinon Saïd le boucher (Saïd abouchri), ou les classiques habitués.
Pendant que l’on attendait l’un ou l’autre de ces deux bouchers, le public fort nombreux déjà continuait à augmenter moyennant des arrivées en masse qui ne cessent d’affluer continuellement. Venant du village et même de loin en arrivant des grandes villes.
Et justement que de choses à dire sur cette foule aimable se transformant progressivement en marée humaine !
Tant Timacratt est l’événement à portée villageoise et qu’un appel solennel en est lancé aux habitants pour assurer tout le triomphe ou le succès escompté, dès lors l’on affluait en masse. Ou l’écho manifestement favorable envers cet appel lancé. Il va sans dire que ce rassemblement massif qui finit toujours en marée humaine transformait Timacrat en un événement historique. Et mieux que tout, ces heureux événements qui surviennent à l’occasion, en l’occurrence :
- 01) Les héritiers présomptifs que l’on ramenait avec joie tant pour la première fois, et ce, pour assister à l’extraordinaire Timacratt.
- 02) Les retrouvailles dans la joie et la convivialité entres proches, entres amis et entres voisins, voire à la suite des longues séparations.
- 03) Et tous, arrivés là avec leurs paniers en mains et qu’ils rempliraient au retour.
- 04 ) Autres …



Sitôt le boucher sollicité arrive, l’heureux grand événement qu’est Timacratt commence sans tarder. Tant maintes étapes successives sont à accomplir et achever en cette seule journée requise. Autrement dit le temps est si précieux que le savoir-faire du boucher en est louable à vouloir tout faire avec succès. En clair, Timacratt n’est pas le simple fait d’égorger les bœufs mais de les dépecer, de les charcuter, de les découper au mieux en morceaux de viandes, ainsi du reste.
D’où l’assurance et la confiance qui sont placées en le boucher chevronné.
Assisté des gens du village, le boucher habillé de son tablier tacheté de sang s’attaque à l’etape première qui consiste à égorger les bœufs. Le regroupement est massif tout autour des bœufs. Un peu à l’écart, les enfants - dont moi-même qui écris ce texte parmi eux, nous suivions de nos regards tout ronds d’étonnement ce début de sacrifice. Tant le temps est précieux, les choses s’enchaînent à souhait grâce à la compétence et l’expérience du boucher. Peu après, le premier bœuf ligoté par ses quatre pattes est basculé et tombé à terre, couché sur son flanc. Les hommes vigoureux et corpulents l’immobilisent, le tenant avec la poigne de fer par la queue, les pattes les cordes et les cornes. Le boucher tenait d’une main son long couteau dont la lame en acier poli étincelait à la lueur du jour. L’autre main empoigna fermement le gosier du premier bœuf. Ceci fait, il invoqua Dieu par trois fois avec cette formule circonstancielle: « Basm-Allah , Allah ou Akbar! », après quoi en professionnel chevronné, il trancha la trachée avec le fil tranchant du couteau. Le temps qu’il recula promptement pour ne pas s’éclabousser, le sang giclait en torrent et à profusion de la gorge du bœuf. Le bœuf est laissé libre dans ses mouvements, libéré de son immobilité. Et debout tout autour, la foule et les enfants qui suivaient du regard la fin des fins du bœuf, ou la mort du pitoyable animal.
Et ce travail qui fut repris pareillement pour le second bœuf, pour le troisième, et ainsi de suite jusqu’au dernier…


… A suivre l’épisode 02/02, ou l’épisode suite et fin, inch’Allah !

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