vendredi 18 septembre 2015

En hommage I’yemma Wardia Meziane Hessas

Rachid Kechad

En hommage I’yemma Wardia Meziane Hessas

YIWENE YELLA OULACHITH, WYIWENE OULACHITH YELLA
L’existence d’un individu se poursuit dans le souvenir des autres. En effet, la mort ne peut effacer des souvenirs. Les souvenirs sont les rires, les pleurs, les manières, la voix de la personne et sa façon habituelle de se comporter.
La vie est faite d’événements heureux et de douloureuses épreuves. Quand on est confronté à un événement regrettable causé par la perte d’un être cher, toute la famille, tous les voisins, les amis et les concitoyens se mobilisent pour tenir compagnie aux proches du défunt et soulager un tant soit peu leur souffrance et, toute la communauté éprouve de la pitié et prend part au malheur qui frappe la famille.
Le village veille le défunt toute la nuit, parfois deux nuits consécutives dans le cas d’attente d’un proche émigré. Quand un décès survient, tout le village s’implique de sorte à ce que les parents du défunt soient allégés sur tous les plans : matériel et émotionnel.
Et en vue d’occuper les veilleurs et leur faire rappeler la mort, la nuit, jusqu’à une heure tardive, des chants funèbres, “d’dker”, sont psalmodiés. “D’dker” est un chant anonyme, groupal, constitué de termes simples, évoquant la grandeur de Dieu et sa miséricorde ainsi que la personnalité des prophètes, le jugement dernier et autres éléments relatifs à la mort. Les textes chantés sont de la poésie populaire, une poésie concise, limpide et facile à mémoriser.
La transmission de ses D’dker se fait de génération à génération, de village à village.
Jusqu’à une date récente, les poèmes restent anonymes, il n'y a pas d'auteur, pas de risque de plagiat, on reprend les poèmes, les proverbes, toute la sagesse des anciens, sans les citer, tout simplement, on ne les connaît pas.
Le répertoire des chants kabyle se distingue par sa richesse, autant que par sa diversité. Il témoigne de la vie intense d’un peuple caractérisé par une oralité très forte. Le Kabyle, astreint quotidiennement aux dures taches, le chant constitue pour lui, un moyen d’évacuation et d’extériorisation à la fois physique et psychique.
En dehors des chants religieux, les diverses activités physiques de base s’effectuent en chantant : Ce sont les chants du foyer, dévolus aux femmes, comme les berceuses, les rites pour la guérison, les louanges du bébé, les mélodies qui accompagnent le tissage, le ramassage des olives, la récolte de figues, lors de travaux pénibles et autres activités extérieures et Pendant les fêtes, pour faire les louanges du nouveau-né, de l’enfant circoncis, ou des marié(e)s.
De belles mélodies accompagnent les veillées du mois de ramadan, pour annoncer l’heure du S’hour ou les chants rituels relatifs à la collecte de la viande séchée et salée « Achadhlouh » pendant la fête de l’Achoura.

Par ce présent récit, je tenterai un peu soit-il de vous faire revivre de manière simple dans le présent, une figure emblématique pleine de sagesse et de bonté bienveillante dont la grandeur dépasse largement les frontières de son village natal.
Qui de nous qui ne se rappellent pas des veillées funèbres des années 1970 jusqu’au début des années 1980, psalmodiées par un groupe d’homme bénévole orné et charmé par la présence de Yema Ouardia Meziane Hessas, l’unique femme du groupe. Le groupe est composé principalement de : Ahmed Ou Tahar Kabouche ; Kechemir Ahmed mouh Ousaid, Kechemir Said Ouamar, Harani Ouali, Kechemir Ahcène, kechemir Hocine, Kechad Hocine, Kloul Ahmed N’Taieb et Iboud Mohamed.
Ensemble, ils forment un groupe homogène dans lequel leurs voix s'accordent en parfaite harmonie. Yema Ouardia Meziane sans s’efforcer aucunement et de par avec sa voix généreuse, empreinte d’émotion, unique et inimitable à en faire pâlir les chanteurs les plus réputés de son époque, contribue à soulager la douleur de la famille du défunt et, subjugue les présents en provoquant en eux un sentiment de bien être. Yema Ouardia Meziane infiniment sage, en l’écoutant, notre esprit se détache carrément de ce bas-monde.
Cette femme hors du commun, née le 07 Juillet 1909 à Ait Bouyahia, fille de Meziane et de Himeur Dehbia Oumeziane. Privée de la vue à la naissance, elle n’a jamais été dépendante de quelqu’un durant toute sa vie. Sans aucune assistance, elle accomplissait ses innombrables taches quotidiennes le plus normalement du monde. Après un long parcours dans le domaine du chant funèbre, voué au service des personnes affectées, elle nous quitte le 24 février 1994, à l’âge de 85 ans, suite à une brève maladie. En ce jour de froid du mois de février, elle fut inhumée en présence d'une assistance très nombreuse venue lui rendre un dernier hommage. Elle était d’’une qualité sans pareille, sa disparition a affligé profondément le groupe. Depuis son décès, aucune autre femme n’a pu avoir l’audace d’intégrer le groupe.
Sa grande disponibilité (iw-udem Rebbi), sans préjugés et sans prétentions au service des autres, l’a fait monter au trône de l'immortalité d’où, elle n’a jamais redescendu. Les souvenirs immortels que tu as laissés ne s’effaceront jamais. Tout le monde se souviendra de toi. Repose en paix YEMMA Ouardia. Merci

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