vendredi 18 septembre 2015

Aït-Bouyahia : Couleurs, senteurs et décors Thème : n° 7 Tam’da gu’Erqav : La Piscine du ruisseau

 Mouloud Halit

Aït-Bouyahia : Couleurs, senteurs et décors 

Thème : n° 7

Tam’da gu’Erqav : La Piscine du ruisseau

Sommaire
I) Présentation
II) 1968 : l’année TOP-DEPART !
III) Récapitulatif réjouissant
IV) 1973 : l’année STOP ET FIN !
I) A cheval entre les années soixante et les années soixante-dix, la piscine du ruisseau - connue sous son nom dialectal : Tamda gu’Erqav, avait connu son existence. Précisément chaque été, durant les grandes vacances scolaires.
Notons de prime abord que cette piscine n’est destinée que pour les adolescents, exclusivement. Comme son nom l’indique – voire avec pléonasme, la piscine du ruisseau se situe au cœur même d’un ruisseau, moyennant une muraille résistante construite dans le sens où il est fait barrage au torrent s’écoulant. Il va sans dire qu’à chaque été la muraille est démolie en fin de saison en vue de garder en son état intact le site, de façon à pouvoir le réutiliser prochainement à la saison d’été.
L’été 1968 fut le TOP-DEPART de la piscine après avoir été construite pour la première fois : ou l’année de bienvenue pour les baignades! Son existence avait duré six étés de suite. Ainsi l’année 1973 incluse qui finit par être l’année STOP ET FIN : ou l’année d’adieu pour les baignades!
En milieu d’itinéraire du ruisseau, situé plus en bas du village, Tamda-gu-Erqav est donc réalisée à cette année 1968. Le site choisi est approprié comme piscine de par l’existence d’un flanc rocheux et d’un espace fort avantageux. Toutefois, ce site appartient à une famille privée, dès lors cette piscine qui est réalisée par les adolescents de cette famille. En l’occurrence, quatre frères âgés entre 17 ans et 11ans, dont les naissances se sont succédées de suite.
Après que ce quadri nôme eut cette ingénieuse idée de piscine - sans doute inspirée du fait qu’auparavant ils avaient l’habitude de se barbouiller dans le courant d’eau du ruisseau, dès lors ils soumirent leur projet pour approbation à leur mère : la seule responsable de maison après que leur père est décédé. Au départ, la mère avait hesité de par ses craintes et ses appréhensions, mais elle finit par lâcher prise en donnant son accord. Raisonnablement, elle fut persuadée qu’il s’agissait là d’un sport et d’un loisir, qui plus est, envisagés en temps de vacances.
Quant à ses enfants, sitôt l’accord conclu, sans retard aucunement, ils descendirent à leur propriété d’Erqav, emmenant leur mère pour les suppléer en besogne, tant celle-ci était reconnue pour ses talents de bonne bricoleuse.
De là partant - et en vue d’écourter ce texte, sautons à pieds joints quelques étapes pour nous retrouver au jour « j » du top-départ de Tamda gu’Erqav, ou l’heureuse inauguration !
II) En effet, tout était rentré dans le parfait ordre pour pouvoir commencer. Notamment la muraille résistante construite en travers du torrent du ruisseau, avec à son bas et au milieu une buse de vidange, d’où s’écoule le torrent d’eau. Qui mieux est, une piscine limitée en profondeur pour être sécurisante. Ainsi que leur mère le leur recommanda sagement : « Vous commencerez avec cette hauteur, puis selon vos progrès en natation, vous l’élèverez graduellement au fil des saisons »
Pour l’heure que l’on est au jour « J » qui pourra donc peindre la joie vive éprouvée par nos quatre adolescents !? Une joie, pourrait-on dire, amplifiée avec extravagance même! Vite fait, l’on se mit en maillots de bain, plutôt en culottes qui étaient disponibles. Par l’intérieur de la piscine on boucha la buse d’une manière hermétique.
Ce test du remplissage de la piscine était suivi avec un enthousiasme et une euphorie sans bornes. Surtout que leur mère les rassura avec la quasi certitude que la réalisation tiendrait bon et pour de bon. Grâce au surdimensionnement de l’épaisseur de la muraille, y compris l’enchevêtrement forcé des barricades de soutènement. Et la piscine qui commençait alors à se remplir avec son niveau d’eau montant. Voire doucement, doucement mais sûrement. Plus ça montait, plus les ados jubilaient de joie et de gaieté. Clapotant l’eau des pieds et des mains, profitant au mieux cette opportunité nouvelle, se présentant pour la première fois. Toute cette animation et cette ambiance rehaussées par des clameurs, des éclats de joie et des éclats de rire.
Et le niveau d’eau qui montait toujours, avec l’impressionnante sensation d’une immensité d’eau au regard. Voilà même que leur petits corps en sont bien immergée. De quoi croire à un rêve plutôt qu’à une réalité tant cela paraissait incroyable, inimaginable. Pour les petits de taille, le niveau d’eau se situe à hauteur du thorax ; et pour les autres, à hauteur du nombril. Et l’amusement, et le divertissement, et la joie, et l’euphorie qui augmentaient au fur et à mesure que le niveau montait !
Par dessus leur tête, un soleil chaud et irradiant chauffait allégrement la piscine. Ce beau « plus » que ce soleil apportait est justement des plus essentiels en bienfait. Sans le beau soleil, le plaisir des baignades ne serait rien ! Et mieux que tout, cette piscine en bonne et due forme qui est la leur, pouvant donc s’en réjouir à gogo et en toute liberté. Comme les rois des rois : des empereurs !
Finalement le niveau d’eau déborda par delà la muraille. Le torrent du ruisseau chutait en trombe du haut de cette muraille, avant de reprendre son cours normal en susurrant. La piscine est toute remplie, un tel heureux événement soutira des hourrahs et des clameurs de joie, ponctués par des applaudissements bien nourris. Ça c’est le bouquet !
A la piscine, l’on ne voyait comme émergées que les têtes des plus petits ; et pour les plus grands, leurs têtes et leurs cous. Du coup, l’un d’eux qui s’exclama non sans joie : « Quel plaisir, je flotte ! »
Epuisés enfin, les ados sortirent de la piscine pour aller se relaxer, tout en se réchauffant au soleil. Mais, peu après une poignée de minutes, la piscine qui les attirait comme fait l’aimant pour le fer, finit par les récupérer. De nouveau, la reprise des baignades en apprentis tout acharnés. Selon les mêmes joies et la même euphorie d’auparavant !
Ah si cette journée-là pouvait s’arrêter en temps ! Or, espérer cela serait d’y croire à l’impossible. Ainsi tard dans l’après-midi les quatre frères remontèrent au village en ne se ressentant aucune fatigue presque. La journée toute entière était exceptionnelle, en n’étant que joie et bonheur sans bornes, tout à la fois. Et mieux que tout, les esprits tournés vers les lendemains toujours forts, toujours meilleurs.
III) Après quelques journées de bonheur profitées à quatre, l’effectif commençait à s’accroitre. Progressivement au jour le jour, sinon presque. Pour mieux dire : Tamda-gu-Erqav commençait à avoir du monde. Ou son beau monde d’ados, exclusivement.
Eh ben oui, cette piscine est pour ces derniers le meilleur moyen pour pallier aux chaleurs torrides de la saison ! Qui mieux est, dans la joie et le plaisir partagés des baignades.
Une fois de plus - en vue de rester dans le contexte d’un texte et non d’un roman à lire, dès lors nous abrégeons en optant pour ce récapitulatif où seront énumérés dans leur ordre logique les différents événements marquants, ayant fait l’objet de jours mémorables et inoubliables, tant vécues dans la joie et le bonheur à Tamda-gu-Errqav.
• D’abord rappelons que Tamda-gu-Erqav ne s’ouvre que l’été, précisément dès le début des grandes vacances scolaires. D’où la muraille qui fait barrage qui se construit au commencement de la saison et puis qui se démolit en fin de saison.
• Dès 1969, Tamda-gu-Erqav connaissait des affluences de plus en plus nombreuses en effectif de baigneurs. Les premières provenaient assurément de notre village (Aït-Bouyahia). Puis - la réputation montant en crescendo, d’autres adolescents arrivaient des villages avoisinants que sont : Aït-Bouali et Ighil-Mimoun.
• Aussi dès 1969, Tamda-gu-Erqav qui s’innovait sans cesse, grâce aux aménagements se rajoutant au fur et à mesure. A titre énumératif : - une plate-forme pour le bronzage au soleil, - un plongeoir de niveau bas, destinés aux amateurs, - un plongeoir de niveau haut, pour les professionnels.
• Outre ces aménagements, d’autres distractions s’ajoutaient, rendant plus agréables les moments en dehors de l’eau. Sous une ambiance chaleureuse, il arrive que l’on savoure des musiques par l’un des baigneurs qui ramène son tourne-disque. D’autres baigneurs y ramènent des jeux de cartes ; d’autres, leurs instruments de musique ; d’autres encore, des revues et des bandes dessinées à lire. Bien évidement, ces distractions et spectacles se déroulent sans tapage intempestif, mais au mieux avec harmonie.
• Comme remarquable spécificité, les ados d’Aït-Bouali avaient la manie de s’interpeller par leurs surnoms, sans exception. De surcroit, des surnoms de renom, ou ces surnoms d’acteurs tels : Ringo, Django, Samson, Coplan, Hercule, Maciste, Sancho, Trinita, etc… Autant dire, Tamda gu-Erqav qui a le privilège sinon le grand honneur de voir son sol foulé du pied par les stars du monde, avant de se baigner…
• Comme beau bilan, que d’adolescents avaient appris à Tamda-gu-Erqav la natation et ses options : les plongeons, la brasse, faire la planche, les cabrioles, etc. ! A chaque saison estivale, l’on pourrait en effet d’estimer à une douzaine adolescents ceux qui repartent en sachant nager. Dès lors qu’ils se sont présentés en apprentis.
• Comme amusante anecdote, elle concerne le vaillant Saïd-Oumeziane (Kaïs) ! Connu pour ses présences infaillibles, un beau jour justement, son absence qui fut remarqué tant midi arriva. L’on s’étonna bizarrement à la suite de cet imprévu. Or peu après, le voilà qui arrive, dégringolant en coup de vent le peu de descente qui lui restait. En arrivant, combien qu’il suait voire haletant comme un soufflet de forge ! De but en blanc, celui-ci s’en excusa du retard, tout en incriminant sa maman qui l’assistait au lit pour raison de maladie. Mais pour si peu qu’elle le quitta, il sauta du lit et sortit discrètement par la fenêtre donnant sur un champ. De là, il piqua tout droit en courant : 01) Agu-n-Ali, 02) Agu-ni-Tmach’rak’t, 03) Tamda gu’Erkav.
IV) Après cet aperçu sur les saisons en « or » de Tamda-gu-Erqav, nous y voilà arrivé à l’année 1973 qui marque la fin de cet heureuse épopée. Eh ben oui ! ne dit-on pas : « À tout début, il y a une fin ! » D’où succinctement encore – par conformité au texte, en voici notre synopsis et conclusions :
Six ans après, les cogérants que sont les quatre frères, se retrouvent dans des situations faisant qu’ils ne peuvent plus gérer leur piscine. Dès lors il fut décidé qu’à cette année 1973, Tamda-gu-Erqav - une fois la saison achevée, sera démolie pour de bon. Néanmoins on laissa passer la saison avec le secret bien gardé, afin de faire profiter au mieux de l’ambiance et de l’animation habituelle.
Toutefois, ou peu avant le jour « j » marquant la fin de la saison, il fut donc annoncé par avance l’adieu de la piscine du ruisseau ! Et au jour « j », il va sans dire, il y eut un effectif plus nombreux que jamais. Tant le souhait était vif et unanime pour assister au dernier jour des beaux jours, autant mémorables qu’impérissables de Tamda-gu-Erqav.
La fin d’après-midi arrivée, les pioches ramenées spécialement pour en démolir la piscine sont retirées du grand sac où elles étaient emballées. Tous alors entamèrent en ruée la démolition de la piscine. Pendant que l’on éventrait la muraille, Tamda-gu-Erqav vidait en déluge son immensité d’eau. Ainsi fut décidée la démolition, histoire de voir s’emporter par le torrent un maximum de débris et de décombres.
Il va sans dire que chacun des « amis de la piscine » avait voulu participer à cette inoubliable démolition. Tant il s’agit là d’un événement marquant avec grand regret la fin d’une heureuse épopée. Avec des sentiments tout différents, les ados comme ils éprouvaient de l’émotion, du regret, de l’amertume, et l’on ne sait quoi d’autres encore... Parmi eux, ceux qui finirent par se retirer et se mettre à l’écart, l’air soucieux et silencieux. Ceux encore, émus et contemplatifs, suivant du regard l’effondrement par les coups de pioches de leur beau « vestige », en même temps l’emportement de ses débris et décombres par le torrent en furie et dévastateur.
L’espace d’une demi-heure, la piscine n’était plus qu’un espace vide tout empli de désolation. Il y a ce l’on ne sait quoi de triste dans l’air et l’atmosphère. Néanmoins, l’étang naturel au flanc rocheux réapparut sous sa même forme et à sa même place, voire ressuscité six ans après…
Ainsi fut laissé le site, avec néanmoins certaines traces et empruntes indélébiles témoignant au fil du temps que Tamda gu-Erqav avait bel et bien existée là sur ce site, à savoir : les deux plongeoirs et la plate-forme du bronzage !
TANMIRT U DJIGHKOUN DHI LAHNA : Merci et que la paix soit avec vous !

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